Finca agroecológica la Rosa, «candidate à l’excellence» !

Avec Ricardo et Rosa, à Vertientes, province de Camaguey, Cuba

Alors qu’il travaillait dans le secteur de la mécanique industrielle, Ricardo eût un grave accident de moto en 1983 et subit plusieurs opérations. Il ne put alors plus exercer sa profession et mit plusieurs années à récupérer. Au fur et à mesure de sa rééducation, il commence à jardiner dans son arrière cours, en cultivant d’abord des roses puis d’autres plantes ornementales. Il se met petit à petit à cultiver un potager, à faire de l’élevage de porcs et de lapins. Il décide alors d’acheter un terrain à son voisin afin d’augmenter et diversifier sa production. Le voilà agriculteur de profession, spécialisé dans la production de jeunes plants (fruitiers, ornementales, essences forestières) à forte valeur ajoutée. Mais depuis quelques années, le seul débouché dont il dispose ne lui permet plus d’écouler toute sa production de jeunes plants. Avec l’appui de l’ACTAF et grâce à ses lectures et formations, il perfectionne ses techniques agroécologiques, pour aller vers plus de diversité au sein de sa ferme.

Il travaille aujourd’hui avec sa femme, Rosa, et emploie 5 salariés. Il est membre de l’ACTAF (par conviction agroécologique) et membre de l’ANAP (comme tous les producteurs cubains !). Après avoir été élu « référence locale » puis « référence nationale » pour sa ferme exemplaire, Ricardo brigue aujourd’hui le titre d’« excellence ». (voir conclusion de l’article, « Notre itinéraire cubain »)

Finca « La Rosa » : entre innovation et intégration…

La finca La Rosa se rapproche aujourd’hui de plus en plus de la démarche de la permaculture, car elle compte une grande diversité de plantes, qui servent d’abord à l’alimentation de la famille et dont les surplus sont vendus en vente directe sur la ferme : haricots, piment, salades, radis, acérola, grenade, banane, manioc (dont il conserve des variétés anciennes plus rustiques et savoureuses), etc.

Là encore, les notions de diversification et d’intégration de la ferme sont inhérentes au concept de l’agroécologie. Mais, plus que par son « intégration », sa ferme nous a conquise par son ergonomie et son esthétique : ici, on consacre une place importante à la beauté de la nature !

Voici quelques exemples illustrant cette intégration de la ferme :

  • Dans le poulailler pousse des roses et des fruitiers, qui sont fertilisés par les excréments des poules. Ceux-ci fournissent de l’ombre et des aliments aux volailles.
  • Pour alimenter volailles et poissons (tilapias), Ricardo a expérimenté sous nos yeux ébahis l’élevage de larves de mouche, à partir des excréments de porcs. En effet, les larves, très riches en protéines et graisses, sont un met de choix pour ces animaux d’élevage.
  • Tout comme Omar Gonzales et toujours pour valoriser le lisier de porc, Ricardo a construit depuis peu un « biodigesteur » qui lui permet de produire du biogaz pour un usage domestique.

En haut à gauche : Le poulailler, ses roses et manguiers
En haut à droite : Le nouveau « biodigesteur »
En bas à gauche : Affichage de la ferme comme une « salle de cours annexe »
En bas à droite : L’élevage de larves de mouches

Un paysan « bio » non étiqueté…

Toujours dans cette optique « agroécologique », Ricardo n’utilise des pesticides pour la protection de ses cultures qu’en dernier recours, lorsqu’il risque de perdre toute sa production. Il privilégie donc les moyens de lutte et de contrôle biologiques comme les pièges de couleur ou à phéromones. Ces technologies sont élaborées et vendues dans les CREE (Centro de Reproduction de Entomofagos y Entomopatogenos), répartis sur tous le territoire cubain. Malheureusement beaucoup de producteurs ruraux n’ont pas accès à ces techniques car les CREE sont proches des centres urbains. D’autres producteurs ne sont pas convaincus de l’efficacité de ces techniques, puisque les résultats ne se voient pas immédiatement sur les cultures, au contraire des pesticides chimiques qui sont fulgurant.

A gauche : piège à phéromones qui attirent et piègent les insectes femelles
A droite : piège à couleur enduit de graisse

Un pépiniériste chevronné

Une de ses premières  activités en tant qu’agriculteur fut la vente de plants, ce qui l’a rapidement amené à apprendre les techniques de greffage et de bouturage. La démonstration qu’il nous a faite, nous a convaincu qu’il est maintenant expert dans cet art. Il donne aujourd’hui des cours à d’autres agriculteurs et dans le cadre des classes annexes.

En haut à gauche : Ricardo nous expliquant ses techniques de greffage
En haut à droite : Marcottage aérien sur un Ficus benjamina, méthode de multiplication végétative
En bas à gauche : Jeunes plants
En bas à droite : Greffe en couronne réussie de manguier

Un pisciculteur qui a la pêche !                                                                                                      

Il a creusé des bassins dédiés à la pisciculture tout autour de sa parcelle, afin d’élever des poissons d’eau douce : les tilapias. Pour l’instant, les poissons servent à l’alimentation familiale et à la vente en petites quantités. Il souhaite augmenter leur production, mais pour l’instant la production d’aliment pour nourrir les tilapias n’est pas suffisante.

Un protecteur de la biodiversité !

Les bassins et parcelles de culture sont entourés de haies vives constituées de fruitiers et de plantes ornementales mellifères (attirent et nourrissent les polinisateurs des cultures) et aromatiques (éloignent les ennemis des cultures).

Autour des parcelles on trouve également des barrières biologiques naturelles, composées d’associations de plantes, principalement des céréales (telles que le maïs et sorgho). Ce type de barrière permet de concentrer les attaques de ravageurs sur les céréales  dans le but d’épargner les cultures.

Ricardo a aussi aménagé des barrières mortes au bord des bassins, constituées d’un enchevêtrement de bouts de bois et de débris végétaux. Ce dispositif vient en complément des haies vives, pour retenir le sol et limiter les phénomènes d’érosion lors des pluies tropicales qui sont très intenses.

En haut à gauche : Haie vive avec Maïs, Ficus, Hibiscus et bien plus !
En haut à droite : Papillon sur une « Flor de los muertos » ou Tagète
En bas à gauche : Barrière morte
En bas à droite : Papillon sur plante mellifère

Des projets d’avenir …

Grâce à la loi 259 (pour la redistribution des terres en friches à qui veut les cultiver), Ricardo a récupéré 27 ha de terres, en friche depuis 25 ans, à 7km de sa ferme. L’acquisition de ces terres a pour objectif de diversifier toujours plus ses productions végétales et surtout de pouvoir initier une production animale conséquente. En effet, augmenter l’élevage lui permettra une meilleure intégration de sa ferme et un meilleur équilibre plantes/animaux, notamment pour pouvoir produire du lombricompost (pas assez d’effluents d’élevage aujourd’hui pour le faire). Concrètement, une fois le débroussaillage fini, il compte semer du maïs associé à du haricot pendant 1 ou 2 ans. Les cultures annuelles permettent en effet d’éliminer les adventices[1] par travail du sol répété, afin de réduire progressivement la banque de graines présente dans le sol. Ensuite, il pourra planter, entre autres, des arbres fruitiers et  faire pâturer des animaux dans l’inter-rang, selon ce que l’on appelle l’agro-sylvo-pastoralisme (dans le même esprit qu’Omar Gonzales).

Enfin, Ricardo souhaite pouvoir bientôt cultiver du riz pluvial à petite échelle, pour aller vers plus d’autonomie de sa ferme. Il se rapproche ainsi du concept de la permaculture par conviction et conscience, mais sans jamais utiliser ce mot !


[1] Plantes indésirables ou « mauvaises herbes », mais nous n’aimons pas utiliser ce terme, car aucune plante n’est mauvaise en soi. La nature est bien faîte et elles ont toutes leur place: pour protection du sol, amélioration de sa texture/structure, une vertu thérapeutique (médecine traditionnelle) ou nutritive.

4 réflexions au sujet de « Finca agroecológica la Rosa, «candidate à l’excellence» ! »

  1. le bon sens en action
    très intéressant. je ne connaissais pas les piéges couleurs ,ni l’élevage des larves de mouches!
    le riz pluvial est un riz non irrigué??
    une petite explication sur le biogaz serait très intéressante.

    Que de belles rencontres!
    bises à toutes les 2
    Sylvie Alain

    • Pour le biogaz, d’après wikipédia : « Le biogaz est le gaz produit par la fermentation de matières organiques animales ou végétales en l’absence d’oxygène. Cette fermentation appelée aussi méthanisation se produit naturellement (dans les marais) ou spontanément dans les décharges contenant des déchets organiques, mais on peut aussi la provoquer artificiellement dans des digesteurs (pour traiter des boues d’épuration, des déchets organiques industriels ou agricoles, etc.). »
      Concrètement il est utilisé par les paysans éleveurs de porcs pour d’une part « recycler » le lisier de porcs hautement polluant et le valoriser. Les effluents liquides sont dirigés dans une cuve (le bio-digesteur) où leur fermentation produit du méthane, qui sera conduit et utilisé dans la gazinière familiale. Dans toutes les fermes « intégrées » que nous avons visité à Cuba, les bio-digesteurs étaient en fonctionnement ou en construction !

      Concernant le riz pluvial, c’est un riz qui n’est pas inondé, mais il peut être irrigué (souvent manuellement). On parle donc de parcelles de riz, et non de rizières. Cette forme de culture est moins dépendante des ressources en eau disponibles, mais les rendements restent en général plus faible que dans que ceux du riz inondé.

  2. Un article très intéressant, effectivement. Et qui démontre que l’on peut aller dans le bon sens sans grands moyens, à une échelle individuelle. Bravo pour ces portraits passionnants et éminemment sympathiques.
    Richard

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